ÊTRE TÉMOIN DE SOI-MÊME


Qu’est-ce qui permet de se connaître ? Cela s'éclaire : être observateur de soi-même. Et cela se découvre dans l’instant. Ici, aucune progression.


Que signifie dans l'instant, aucune progression ? Lorsque nous ressentons une émotion sans implication personnelle, et la laissons se présenter, nous sommes écoute et perception. Lorsque nous observons un mécanisme réactionnel en nous, nous sommes observateur. Ce recul a lieu. Il n’est pas progressif. Nous n’allons pas dans le témoin petit à petit. Non, nous sommes témoin. C’est en cela que c’est dans l’instant, qu’il n’y a aucune progression.

Cette exploration nous conduit à ce constat : nous ne pouvons avoir conscience de ce que nous ne connaissons pas. Nous serons pris par notre inconscient, donc par l’identification, à chaque fois que nous n’aurons pas conscience que cet inconscient se manifeste. Ce dernier point pourrait bien sûr nous sembler une lapalissade, pourtant lorsque nous réagissons, avons-nous conscience de la succession des réactions qui se manifestent en nous ? Avant cela, voyons-nous que nous réagissons ? Avons-nous conscience que nous sommes aveuglés par notre inconscient ? La plupart du temps, non, cette lapalissade, dans le vécu, n’est pas expérimentée et reste intellectuelle.


La méditation, le yoga, le taiji, pourraient-ils me rappeler à cette conscience ? Méditation, yoga, taiji, pratiques recouvertes d’inconscient moralisateur, j’aurais si vite fait de me prendre pour celui qui médite, et d’en faire une nouvelle tendance. La vantardise me guetterait aussi sûr que je m’identifierais à cette image. Le comédien qui monte sur scène m’a échappé : un méditant imposant le silence au mental, aux émotions et aux pulsions. Ici, je ne sors pas du mental, je le renforce à coup de disciplines militaires et religieuses. Et je pourrais passer des années à méditer de la sorte sans m’apercevoir que je me suis enfermé(e) dans cette nouvelle image qui a mes faveurs, étant en adéquation avec mes idées de devenir.


Oui, nous ne pouvons atteindre cette vraie nature : la seule pensée qu'elle soit un but et qu'elle ne s'obtienne que par de grand effort nous en éloigne, la seule pensée que nous avons à la rechercher nous en éloigne, toutes les idées que nous alimentons à son sujet, toutes sans exception nous en éloignent, que ce soit le Soi avec son S majuscule ou ces autres mots ; la vraie nature, l'être véritable, l'impersonnelle présence, qui deviennent lettres mortes parce que mentalisées.


Cette conscience, être témoin n’a pas besoin de moyen ou de technique pour être manifeste. Lorsqu’elle vient, elle entraîne un arrêt de l’identification. En se promenant dans un parc. Dans une file d’attente. Lors d’une discussion orageuse. Là, nous n’avançons plus, ni à droite, ni à gauche. Nous quittons le faire dans un instant sans mesure. Nous « revenons » et ce retour est instantané.


Ainsi la connaissance de soi est à chaque instant. Ici, il n'y a plus d'espoir. Il y a ce qui se présente maintenant. L'émotion, l'état, la projection, nous apprenons à leur faire face, à les aimer. Aimer ? C'est l'ouverture... Ce n'est même pas être ouvert... Non, c'est être ouverture, disponibilité.


La connaissance de soi, c'est partir de maintenant et faire face à ce qui se manifeste quel que soit ce qui se manifeste.


Etre témoin sans idée.


La conscience observe : […] Là, nous voyons nos réactions comme les personnages d’une pièce de théâtre dont nous sommes maintenant témoin. Nous voyons et ressentons nos peurs sans peur, nos désirs sans culpabilité, nos souffrances sans idée, notre volonté sans volonté, notre orgueil sans honte. C’est cela : le fait d’observer d’un regard sans opinion n’alimente plus ces personnages.

Nous découvrons notre tendance à nous identifier, son enracinement. Au début, cela paraît complexe, fatigant. Cela peut même entraîner une tension. Puis être témoin devient une passion : celle de voir, d’écouter, de ressentir, d’être avec ce qui est. Celle d’apprendre à désapprendre […].