LE RESSENTI
« Dans quel champ d'investigation porte mon étude sur la perception ? Dans le champ du sensible, du vivant : le ressenti. »
« L'importance ici est de nous interroger sur l'exactitude de notre
perception : déformons-nous ou non notre perception ? N’est-elle
pas imprégnée de nos idées et projections ? Pouvons-nous
nous rendre compte de ces projections ? En être conscient ? Et si oui,
qu'est-ce qui nous permet d'en être conscient ? »
« Ressentir nécessite une totale disponibilité
à ce qui se manifeste. Alors ressentir requiert avoir au préalable
pris conscience de notre tendance à mémoriser et à compartimenter
nos expériences en opinions. Il demande de nous rendre compte combien,
face à lui, le mental s'interpose tout de suite. Ressentir est être
écoute, sans intention, sans désir, sans idée. Ressentir
ne peut se conceptualiser, ni se mentaliser.
Ressentir fait partie du vivant … Ressentir nécessite de s'en
remettre à l'inconnu, être ouvert, sans imaginer ce que pourrait
être cette ouverture.
Ressentir est être avec. Ressentir est synonyme d'accueillir sans volonté
d'accueillir ; ressentir, à mon sens, est faire don de soi car cela
nécessite de nous laisser traverser par le vivant.
Ressentir est indissociable de l'écoute - une écoute sensitive,
traversant le corps. Mais cela ne suffit pas. Il y faut la conscience, un
« toucher » lucide et conscient. »
« Le ressenti peut-il s'enseigner ? Oui. Il se découvre dans le « Connais-toi toi-même ». Nous pouvons y être accompagnés, guidés. Nous pouvons y être invités lors d'une rencontre. Et cela nécessite un désir de sincérité profond. Cela nécessite que nous n'ayons plus rien à perdre, plus aucune image à défendre. Il s'enseigne alors par la résonance présente entre l'accompagnant installé dans le ressenti et l'accompagné ; sans intervention volontariste de la part de l'accompagnant. Ce n'est pas lui qui crée la résonance. La résonance ne s'approprie pas. C'est l'écoute qui crée la résonance. C'est aussi l'amour et la confiance entre l'accompagnant et l'accompagné qui créent la résonance. »
« Le ressenti demande à ce que nous apprenions à regarder
sans honte et sans affect nos émotions, pulsions et autres états
si souvent détournés par nos jugements. »
« Nous allons nous rendre compte que chaque émotion, chaque pensée
entraînant une émotion, chaque désir, l'idée de
but, tout état quel qu'il soit se caractérise par une vibration
spécifique, un mouvement d'énergie particulier, ce que nous
appelons plus communément une sensation. La vibration d'un préjugé
sera différente de celle de la jalousie, celle du contrôle sera
à la mesure de la rigidité mentale elle-même dépendante
de notre propre insécurité psychologique inconsciente, chez
certains la sensation de tristesse cachera celle de la colère (l'inverse
peut aussi se produire), alors ce sera la colère qui masquera la tristesse.
Sentir la vibration de l'état dans lequel nous nous trouvons maintenant,
la laisser parler, se révéler, l'écouter sans se fixer
sur elle, sans vouloir la localiser, sans la définir, en oubliant même
qu'il s'agit de vibrations ou d'état. Le ressenti demande clairement
d'être vide d'intention, de désir, d'espoir, sinon nous ne ressentirons
que l'intention, le désir et l'espoir que nous nourrissons. »
« [...] le corps exprime à sa manière ce que nous ne voulons
pas entendre. Il symptômatise nos refus de nous connaitre et de nous
aimer. »
« Un événement douloureux survient, un deuil, une séparation.
La tristesse est là. Dans la poitrine, dans la gorge, dans le ventre,
sur le visage marqué par les cernes. Nous ne le nommons pas. Nous sentons,
nous laissons la sensation se présenter. L'énergie circule lentement,
le dos s'enroule. La poitrine disparaît, la peine l'a engloutie. Tout
l'intérieur semble dépourvu de lumière. Il n'y a plus
d'espoir, il n'y a même plus l'idée de l'espoir. Nous écoutons,
sans concept. Dans cette écoute, l'émotion s'étale, se
raconte. Peut-être une pensée va surgir. Un souvenir, un événement
marquant, une déception, un conflit non résolu, nous nous «
faisons de la place », là, au-dedans de nous, une place suffisamment
grande et vaste pour que les émotions puissent se raconter. Il n'y
a plus de censeur, personne qui empêche, personne qui veut que ce soit
autrement, personne qui pense que ça pourrait être autrement.
Dans sa totale expression, dans cet espace d'écoute, la tristesse s'exprime.
»