Préface de Philippe Muller,
directeur de la revue 3e millénaire
Dans le vaste courant contemporain de la “philosophie” non-dualiste,
le « Connais-toi toi-même » n’est pas toujours bien
compris comme démarche nécessaire et indispensable à
l’Éveil de la Conscience. Cette démarche, soulignée
par 3e millénaire depuis plus de vingt ans, a pourtant le mérite
de parler au cœur de chacun d’entre nous, de chaque personne au
prise avec une souffrance plus ou moins aiguë, de chaque chercheur spirituel
arrivé à une certaine maturité. Par cette approche, la
“philosophie” redevient concrète, car vécue à
travers notre totalité corps-âme-esprit ; elle invite justement
à une descente en nous-même, par une certaine « écoute
tactile », jusqu’à ce que nous réalisions, selon
l’adage hermétique, que « ce qui est en bas est comme ce
qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
En d’autres termes, c’est la vacuité inhérente à
l’ensemble de la manifestation qui se découvre à travers
les phénomènes qui nous traversent.
La démarche, représentée ici, est à la fois une
« première et dernière liberté » (J. Krishnamurti)
où toute la dimension psychologique (les pulsions de l’inconscient,
le complexe de supériorité, le complexe du moi, etc.) commence
à éclore, dans la conscience, par une saine transformation énergétique.
La spiritualité résulte alors d’une réelle mutation
(métamorphose ou transformation) et non d’une fuite de la réalité
quotidienne. Constatation que peut faire toute personne de bon sens !
Ce livre n’est pas un recueil d’entretiens entre maître
et disciple, comme on en voit trop souvent dans cette approche, où
“celui qui sait” et l’ignorant qui voudrait savoir constituent
une parodie d’enseignement spirituel. Ici, l’auteure parle d’elle-même,
c’est-à-dire de nous, de l’être qui souffre psychologiquement
ou dans son corps, et qui, par “expérience”, entrevoit
la possibilité présente d’apprendre, par lui-même,
à rencontrer sa souffrance par le « ressenti », à
la transformer en sagesse (comme l’exposent, par exemple, les tantras).
Il ne s’agit donc pas pour autant d’une nouvelle psychothérapie,
les méthodes existantes ayant leur fonction propre, indépendante
de toute visée spirituelle. Cette approche, qui sait garder l’esprit
critique, sans parti pris, donne au vrai questionnement le rôle de préalable
à tout remède. Le questionnement réveille le dormeur
lorsqu’il ne découle ni d’une simple curiosité ni
d’un besoin d’analyse intellectuelle ; c’est en tout cas
le témoignage “philosophique” d’Hélène
Naudy.
« Le ressenti peut-il s’enseigner ? Je ne saurais répondre
à cette question. Il se découvre dans le “Connais-toi
toi-même”. »
La voie subtile, ou la « non-voie », n’est pas pour autant
écartée : elle en est l’axe principale ; car c’est
au cœur de nos maux que peut se dénouer le joug de l’observateur,
de l’analyste, qui, contrairement aux apparentes bonnes volontés,
induit la souffrance : celle de ne pas pouvoir être avec l’émotion
qui nous étreint, la douleur qui nous submerge, le plaisir que nous
imaginons. La plus grande maladie de l’âme est dans le mouvement
psychologique qui aspire à une guérison — formule rapide,
absconse peut-être, que l’auteure expose de nombreuses manières
:
« L’analysant est amené à s’observer, mais
restant dans une analyse cérébrale, il ne peut rencontrer l’émotion.
»
« Lorsque nous entreprenons de faire l’une de ses disciplines,
en définitive, nous n’y allons pas dans une ouverture, dans un
“je ne sais pas”, nous y allons un dessein à l’esprit.
»
Les enseignements et les bons conseils pour trouver le sens profond de la
vie, le bonheur d’être, la joie véritable, ne sont plus
de mises aujourd’hui. Toute cette littérature plus ou moins juste,
plus ou moins rigoureuse, faisant abstraction pour la plupart d’une
démarche de connaissance de soi, ne suffit plus aux chercheurs exigeants
qui ne se contentent plus d’une voie spirituelle instituée, d’une
technique rabâchée, d’un langage éculé pseudo-oriental
ou pseudo-initiatique. C’est d’un “enseignement-témoignage”
dont nous avons tous besoin : témoignage d’une recherche rigoureuse
du « Connais-toi toi-même », témoignage d’un
itinéraire humain où le « corps est touché »,
témoignage et enseignement vécus ou la poésie de la vie
et la précision de la recherche s’harmonisent avec bonheur.
Hélène Naudy appartient à ces témoins de la quête
spirituelle du troisième millénaire.
sortie juin 2010
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